Inde vs Europe : où se joue la confiance numérique ?
En Inde, la confiance numérique se centralise. En Europe, elle se fragmente. Deux modèles opposés, un même défi : construire la confiance à l’ère du wallet et de l’identité numérique.
12/8/20254 min temps de lecture
Et si la vraie révolution numérique n’était pas dans la technologie, mais dans la confiance ?
En Inde, on peut ouvrir un compte, payer son taxi ou accéder à un crédit sans carte, sans mot de passe, sans formalités.
Tout passe par India Stack, une infrastructure publique ouverte qui relie identité, paiements et services.
Des millions d’Indiens l’utilisent chaque jour, et l’État y ajoute désormais ONDC, un réseau ouvert où l’on peut vendre, acheter ou se déplacer sans dépendre d’Uber ni d’Amazon.
Ce que fait l’Inde n’est pas seulement un pari technologique : c’est une refonte culturelle.
Là-bas, la confiance naît de la centralisation : elle repose sur un État qui garantit l’efficacité du système.
En Europe, au contraire, elle se construit par la séparation : banques, régulateurs et plateformes se partagent les rôles pour éviter qu’un seul acteur ne concentre le pouvoir.
Deux visions d’un même enjeu : simplifier sans fragiliser la confiance.
L’Inde, quand la technologie devient service public
India Stack n’est pas une application, mais une architecture.
Un socle public d’API (interfaces logicielles ouvertes) sur lequel viennent se greffer des services privés ou institutionnels :
Aadhaar, l’identité numérique unique de plus d’un milliard de citoyens ;
UPI, le système de paiement instantané interbancaire ;
et désormais ONDC, pour le commerce en ligne décentralisé.
Résultat : un écosystème où l’identité, la transaction et la donnée communiquent entre elles — sans intermédiaire dominant.
Un particulier peut transférer de l’argent, prouver son identité ou souscrire un microcrédit depuis son smartphone, en quelques secondes.
La confiance n’y est pas un contrat entre acteurs privés, mais une infrastructure publique partagée.
Ce modèle a permis à des millions d’Indiens d’accéder à l’économie numérique, souvent pour la première fois.
Et il repose sur une idée simple : dans une société numérique, la confiance peut être programmée.
L’Europe, quand la confiance se fragmente
En Europe, la situation est inverse.
La confiance ne repose pas sur une entité unique, mais sur une mosaïque d’acteurs :
les banques, garantes de la sécurité et de la conformité ;
les régulateurs, qui veillent à l’équilibre et à la protection des données ;
et les plateformes, qui innovent sur l’expérience utilisateur.
Cette approche offre des garde-fous puissants.
Mais elle produit aussi une complexité que l’utilisateur subit :
formulaires multiples, identifiants redondants, parcours éclatés.
Chaque institution fait sa part — mais personne ne tient la promesse d’ensemble.
En Europe, la confiance n’est pas absente : elle est dispersée.
Elle dépend de chaînes d’interactions où chacun inspire la sécurité, sans jamais garantir la simplicité.
Une question de culture, plus que de technologie
Ce contraste entre l’Inde et l’Europe n’est pas qu’une différence de modèle — c’est une différence de culture.
En Inde, la centralisation n’effraie pas : elle rassure.
L’État est perçu comme un facilitateur du quotidien, et le numérique public comme un service collectif.
La confiance vient de l’efficacité du système.
En Europe, au contraire, la centralisation suscite la méfiance.
Nous avons bâti notre confiance sur la division des rôles : séparer les pouvoirs, démultiplier les contrôles, garantir la neutralité.
Résultat : un cadre sûr, mais lent, où la technologie avance plus vite que la culture qui l’entoure.
Le wallet : promesse ou paradoxe ?
C’est dans ce contexte que l’Europe prépare son propre virage :
le wallet européen d’identité numérique (EUDI Wallet).
Un outil censé réunir identité, documents officiels, moyens de paiement et autorisations — le tout sous contrôle de l’utilisateur.
En théorie, c’est un progrès immense.
En pratique, c’est un défi d’adoption.
Car ici, la technologie n’est plus le problème : c’est la confiance.
Les Européens ne manquent pas de solutions de paiement : ils en ont trop.
Cartes, applications bancaires, PayPal, Apple Pay, virements instantanés…
Mais aucun réflexe collectif autour d’un outil unique.
Le plus grand défi d’un wallet européen, ce n’est pas l’innovation —
c’est d’enrôler les utilisateurs,
de leur donner envie de croire à un système qu’ils n’attendent pas encore.
Un wallet ne se décrète pas : il se mérite.
Simplifier sans perdre la confiance
C’est peut-être là que se joue la vraie révolution numérique.
Non pas dans les algorithmes ou les infrastructures,
mais dans la capacité à simplifier sans fragiliser la confiance.
Centraliser, oui — si cela rend la vie plus fluide, plus équitable, plus accessible.
Mais pas au prix de la transparence, ni de la liberté de choix.
À mesure que nos identités, nos paiements et nos données convergent dans un même espace numérique,
la confiance devient une ressource rare.
Pas celle qu’on accorde une fois pour toutes,
mais celle qu’on construit, transaction après transaction, usage après usage.
En conclusion
L’Inde a fait le choix de la centralisation pour inclure.
L’Europe a choisi la fragmentation pour protéger.
Deux logiques opposées, un même défi : faire de la confiance un bien commun à l’ère numérique.
Demain, cette promesse tiendra peut-être dans un seul outil :
un wallet où se mêleront identité, paiements et données.
Un outil simple en apparence,
mais qui exigera une rigueur, une transparence et une éthique sans faille.
Car si la simplicité est le futur,
la confiance, elle, restera toujours le fondement.
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